Dans un temps où les contre-pouvoirs (syndicats, institutions, partis politiques, médias) sont à la fois de plus en plus sollicités et contestés, et où l’opposition au gouvernement accumule et réemploie toutes sortes de comparaisons avec l’Ancien Régime, nous pouvons questionner la notion de contestation de manière historique. Le XVIIe siècle centralise tous les lieux communs : le roi tout-puissant, le roi à Versailles, le roi sans ses ministres, le roi éloigné du peuple, avec en tête la figure de Louis XIV. Pourtant, le XVIIe siècle connaît ses périodes de crises, de contestations, et d’objections face à l’institutionnalisation et la centralisation à marche forcée.
Notre journée d’étude entend réfléchir au format de l’écrit comme espace politique, où se jouent des rapports de domination et de soumission, de contestations et d’oppositions. Cette journée vise à établir un schéma global des acteurs de la contestation du pouvoir, du microscopique au macroscopique. Ces acteurs peuvent en effet agir de manière individuelle ou collective (académies, salons, conférences), de manière privée ou publique. Si le traitement du sujet se veut large, il appelle toutefois à comprendre comment une contestation est moins une action qu’une stratégie élaborée et déployée à la fois dans le temps et l’espace, au sein de cercles restreints ou dans des réseaux plus élargis. Les communications intéressées aux réseaux
polycentriques ainsi qu’aux réseaux de circulation retiendront particulièrement notre attention. Si le phénomène que nous désirons étudier a pour bornes chronologiques le XVIIe siècle, tout sujet consacré à un acteur ou à un réseau plus précoce ou plus tardif – à raison d’un demi-siècle – pourra être soumis.
L’autre objectif de cette rencontre est de comprendre les différentes stratégies discursives utilisées par les acteurs de la contestation (le choix du genre dans lequel on publie, les critiques dissimulées, l’utilisation de l’anonymat), de même que leurs évolutions éventuelles en fonction des répressions ou contrôles gouvernementaux. Ces stratégies peuvent d’abord reposer sur le choix d’un matériel (le manuscrit, l’imprimé à l’étranger, l’imprimé clandestin et, dans ce dernier cas, le choix d’un imprimeur-libraire complice), mais elles supposent aussi des écrits que l’on ne publie pas, soit par choix soit par absence de complice (« écriture grise »).
À cet effet, la question de la réception, et plus spécifiquement celle du lectorat, nous intéressera également en ce qu’elle peut rendre compte des intentions des producteurs qui octroyaient une part active au destinataire.
Mots-clés : pouvoir, écrits, stratégies littéraires, réseaux, imprimerie, collectif, anonymat, cercle
Champs disciplinaires : littérature, histoire, sociologie, sciences de la communication et de l’information, histoire littéraire, sciences politiques.
Espace : franco-italien
Bibliographie indicative
ADAM Antoine, Histoire de la littérature française au XVIIe siècle, 5 tomes (Paris, Domat 1948-1956 ; réédition en 3 volumes chez Albin Michel en 1997).
BELY Lucien, L’art de la paix en Europe. Naissance de la diplomatie moderne XVIe-XVIIIe siècle, Paris, Presses Universitaires de France, 2017.
BIARD Michel (dir.), Combattre, tolérer ou justifier ? Écrivains et journalistes face à la violence d’État (XVIe-XXe siècle), Mont-Saint-Aignan, Publications des Universités de Rouen et du Havre, 2009.
BRESSON, Alain (dir.) ; COCULA, Anne-Marie (dir.) ; et PÉBARTHE, Christophe (dir.), L’écriture publique du pouvoir. Nouvelle édition, Pessac, Ausonius Éditions, 2005.
COGICORE Isabelle et GOYET Francis (dir.), L’éloge du prince, De l’Antiquité au temps des Lumières, Grenobles, UGA Éditions, 2003.
COCHRANE Eric W., Tradition and Enlightenment in the Tuscan Academies 1690-1800, Roma, Edizione di Storia e Littérature, 1961.
DARNTON Robert, L’affaire des Quatorze, Poésie, police et réseaux de communication à Paris au XVIIIe siècle, Paris, Gallimard, 2014.
FOUCAULT, Michel, “Il faut défendre la société” : Cours au Collège de France, Paris, Seuil, 1997.
JOUHAUD Christian, « Les libelles en France au XVIIe siècle : action et publication », in Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, 2003, p. 33-45.
JOUHAUD, Christian, RIBARD, Dinah et SCHAPIRA, Nicolas, Histoire Littérature Témoignage. Écrire les malheurs du temps, Paris, Gallimard, 2009.
GIAVARINI, Laurence et NOÛS, Camille (dir.), Écriture du groupe. Écriture en groupe, Paris, Les Dossiers du Grihl, 2022.
GRIHL, De la publication. Entre Renaissance et Lumières, Paris, Fayard, 2002.
HABERMAS, Jürgen, L’espace public. Archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise, traduit par Marc Buhot de Launay, Paris, Payot, 2007 [1962].
MERLIN-KAJMAN, Hélène, Public et littérature en France au XVIIe siècle, Paris, Les Belles Lettres, 1994.
THUAU, Étienne, Raison d’État et pensée politique à l’époque de Richelieu, Paris, Armand Colin, 1966.
Modalités de soumission
Les propositions de communication, en français, sont à adresser à : ecritspouvoir2024@gmail.com
Elles doivent comprendre :
– un résumé de 3000 signes maximum accompagné d’une bibliographie indicative ;
– une fiche bio-bibliographique de l’auteur(e).
Format contribution : 20′ + QR
Langue de la contribution : français
Date limite d’envoi des propositions des contributions : 8 octobre 2023
Réponse du comité scientifique : 6 novembre 2023
Date de la journée d’étude : 6 février 2024
Lieu du Colloque : Maison de la Recherche, Sorbonne-Université, rue Serpente